
Le hameau de Nouara a bien changé au cours des siècles, rapidement parfois, puisque son aspect actuel n’a rien à voir avec ce qu’il était au début du XIXe siècle.
Commençons par un petit tour du propriétaire pour se repérer correctement.
Actuellement, le hameau comprend une maison récente à l’ouest qui n’appartient pas au moulin, et le moulin constitué de cinq bâtiments. Tout en bas, le long de la route, le moulin des Vernières. En remontant la pente, nous arrivons sur la cour, bordée par trois édifices : un vieux moulin avec des bardages en haut des murs au nord, un grand bâtiment avec les mêmes bardages lui faisant face, et deux corps de bâtiments perpendiculaires à l’ouest de la cour, de deux périodes différentes. Ces derniers, le vieux moulin et le moulin des Vernières appartiennent à la fondation. Au-dessus encore, une ancienne usine des années trente qui était autrefois un moulin appartenant à la fabrique de Nouara.
Le décor étant planté, petit retour en arrière maintenant, tout ce qu’il y a de plus hypothétique néanmoins, pour en comprendre l’évolution.
Rappelons-nous, un moulin est mentionné à Nouara avant 1500. Que reste-t-il de ce bâtiment ?
Rien à première vue, sans analyse architecturale poussée. Pas de fouilles archéologiques envisagées non plus ! Le hasard des travaux, qui sait, pourrait amener de bonnes surprises, mais… le terrain ayant été largement remanié ces dernières décennies par la colonie, difficile d’envisager qu’il reste quelque chose.
Imaginons donc, nous sommes au XVe siècle, un petit moulin, sur le ruisseau qui fait tourner sa roue. Au-dessus un rocher, pas question de château, ne fantasmons pas, il a été construit au XIXe siècle. À quoi sert le moulin ? Mystère.
Un siècle plus tard, des papetiers ou marchands papetiers de La Forie possèderaient une maison à Nouara. En tout cas, au début du XVIIe siècle, l’un d’entre eux s’y installe et y fonde une famille. Un manoir a existé ici jusqu’à la toute fin du XIXe siècle, un manoir dont il reste des traces datables du XVIe siècle. Il était situé à la place du bâtiment le plus récent à l’ouest de la cour, celui construit à la fin du XIXe siècle.

Au XVIIe siècle, Nouara est clairement un lieu de production de papier. Une façade pourrait correspondre à cette période, la façade ouest du bâtiment barrant la cour, au nord. Elle possède une belle porte au linteau en arc surbaissé à plusieurs moulures (voussures). Cet édifice a vraisemblablement connu plusieurs transformations, à l’intérieur d’abord puisqu’il devient meunerie au XIXe siècle, à l’extérieur aussi, puisque la façade sur cour semble postérieure à celle sur jardin.
Par ailleurs, un mur énigmatique, sur lequel s’appuie le vieux moulin, est à prendre en considération : mur d’enceinte, mur d’un ancien édifice ? Nous en voyons la face extérieure comme l’indique le contrefort dont une des pierres du sommet appartient aussi au mur.

Aux XVIIe et XVIIIe siècles sont construits au moins deux édifices, le vieux moulin et le bâtiment lui faisant face, la grange-étable-séchoir possédant aussi le logement d’un fermier. Le linteau en pierre d’une fenêtre façade nord porte l’inscription suivante : 1707 C « cœur » G (1707 Claude Gourbeyre). Claude Gourbeyre est l’un des maîtres papetiers de Nouara, né en 1670 et décédé en 1733. Le vieux moulin a bien évolué depuis, la grange-étable un peu moins. Peut-être le moulin situé à la place de l’usine datait-il aussi de cette période. Il était encore debout en 1927 lors de la parution de l’ouvrage Nouara de Claude Dravaine, mais menaçait ruines. Même remarque pour le moulin des Vernières, mentionné au XVIIIe siècle par Pierre Gourbeyre dans ses mémoires. Mais s’agit-il du même édifice ? Enfin, les archives du XVIIIe siècle mentionnent aussi un moulin neuf à Nouara, un moulin entièrement créé et non repris d’anciennes ruines. Où était-il, dans le prolongement du moulin construit par Claude ?
En 1895 et 1897, le manoir est remplacé par une maison puis une grange, encore en place de nos jours, au sud-ouest du site. Viennent enfin au XXe siècle la construction de l’usine du haut, puis celle de l’extension du vieux moulin en 1965 par la colonie l’Arche, à la place de ruines.

Rien n’a bougé depuis.
Encore quelques mois de patience avant la prochaine étape.
De ce j’en ai appris par son reconstructeur, l’usine du haut utilise les soubassements d’une fabrique ayant brûlé à la révolution française. Il est intéressant de constater qu’elle est construite sur le plan d’un double carré de 4 x 8 toises.
Si j’ai bien compris le livre de Claude Dravaine, le logement du maître de fabrique était sur cet emplacement et se prolongeait vers l’amont. Dans ce prolongement, se seraient trouvées de petites roues rapides avant que l’eau, ralentie dans sa course, ne mette en mouvement la grande roue qui longe le bac de décantation.
L’usine du 20ème siècle a fonctionné non pas en papeterie mais en mécanique (boulonnerie) et ferronnerie en utilisant une turbine alimentée par une conduite forcée qui empruntait le même trajet que le bief d’origine.
Ce dernier a été définitivement désactivé à la construction du pont, face aux « caves ». On le distingue encore dans la végétation, mais il est très détérioré. La même année, une ruine des « caves » a été rasée, peut-être pour utiliser ses pierres. Ca m’a un peu désolé…