Une centaine d’années avant la Révolution (cf. article « Quand quitter la France était trahir »), une interdiction de sortie du territoire était déjà instaurée pour la population, « sous peine des galères à perpétuité ». Pourquoi ?
L’affaire remonte au 13 avril 1598 et à la promulgation de l’édit de Nantes par Henri IV, cherchant à apaiser le Royaume suite aux guerres de Religion le déchirant depuis 1562. Les protestants accédaient ainsi à des droits (droits de culte, droits civils et droits politiques) dans certaines parties du royaume seulement où le protestantisme était installé avant les guerres, il ne fallait pas abuser. Certaines zones étaient des lieux refuges (au nombre de 150), voire des places fortes (51 en tout) comme les villes de La Rochelle, Niort, etc. Ces acquis étaient trop peu pour les protestants, trop pour les catholiques qui considéraient les protestants comme une menace pour l’État car réputés proches des Pays-Bas et de l’Angleterre (qui s’apparentaient à l’époque à des ennemis).
Bref, dès le départ, les esprits encore bien échauffés par les guerres de Religion, les catholiques respectent difficilement l’édit, mais il tient tant bien que mal une petite trentaine d’années. Un premier accro a lieu en 1629 sous Louis XIII avec l’édit d’Alès qui interdit aux protestants de tenir des places fortes.

Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE FOL-QB-201 (61)
Notice de catalogue
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb415044596
Pourquoi me direz-vous toute cette histoire ? C’est tout simple, j’ai retrouvé aux archives du Puy-de-Dôme un document concernant les papetiers, ainsi dénommé :
« Industrie et commerce, manufactures, ouvriers papetiers
« Copie d’arrêt du conseil du 24 janvier 1687 qui interdit aux ouvriers d’aller travailler hors du Royaume sous peine de galère à perpétuité.
« Même à ceux qui ont toujours fait profession de la religion catholique ».
La révocation de l’édit de Nantes a eu des conséquences calamiteuses sur le royaume de France, tant en termes démographiques qu’en termes économiques. Entre 200 000 et 300 000 protestants ont en effet quitté la France sur les quelque 800 000 y demeurant. Tous des bourgeois nantis, marchands, artisans qui possédaient fonds et savoir-faire. Les manufactures de papier avaient déjà subi fortement la guerre contre les Espagnols, contre les Pays-Bas, l’Angleterre, tous ces pays qui étaient autrefois de leurs clients et qui n’achetaient alors plus de leurs productions. Les compagnons et fabricants ayant fait faillite quittent alors la France pour rejoindre des pays producteurs de papier où ils trouveront du travail. Les persécutions contre les protestants leur assènent le coup de grâce. Les fuites se poursuivent avec les papetiers ne voulant pas se convertir, les manufactures finissent par ne plus trouver de main-d’œuvre.
Or l’État a besoin de papier et il n’est pas question pour lui de se fournir chez ses anciens ennemis. Sur avis des papetiers du royaume, le Conseil d’État arrête le 24 janvier 1687 l’interdiction à tout papetier de sortir du territoire sous peine de condamnation aux galères :
« (…) Sa Majesté étant en son conseil a fait et fait très expresses inhibitions et défense à tous ouvriers papetiers de quelque âge qu’ils soient
même à ceux qui ont toujours fait profession de la religion catholique de sortir du royaume. Veut sa Majesté que leur procès soit fait et parfait et qu’ils soient condamnés à servir sa Majesté sur des galères à perpétuité (…) »
Nos papetiers Livradois dont de nombreux apparemment étaient des Réformés, s’ils ne retournent pas à la religion catholique, fuient la région d’Ambert pour rejoindre les territoires protestants que sont le Velay ou le Vivarais. Les noms ambertois y sont légion, comme les Montgolfier qui allaient créer à Annonay la grosse papeterie bien connue (pour plus d’infos sur ce sujet : Michel BOY et Jean-Louis BOITHIAS, Moulins, papiers et papetiers d’Auvergne, éditions des Monts d’Auvergne 2013, pages 136-138. Et notes).
il me semble que Thierry REMUZON dans un ancien numéro des Chroniques du GRAHLF avait écrit un article dans lequel il parlait des Dragons qui étaient passés à Valcivières …
A voir pour compléter l’article, merci.