
Après avoir ausculté les villages et les métiers de leurs habitants, petits focus sur certaines activités en particulier. Pour commencer, pas de chamboule-tout, parlons papier avec les formaires, ou fabricants de formes, artisans indispensables aux fabricants de papier à la main.
Première précision, qu’est-ce qu’une forme ? Tout simplement l’outil qui permet au papetier de fabriquer le papier, une sorte de tamis que « l’ouvreur » (ouvrier qui travaille à la cuve de pâte à papier) plonge dans la pâte pour en recueillir les fibres mélangées qui deviendront la feuille de papier une fois égouttée et sèche.
Du type de forme dépend le toucher du papier. La forme principale utilisée pendant des siècles jusqu’à la fin du XIXe siècle est la vergée, donnant le papier vergé. Plus récente, la forme vélin, donnant le papier vélin.
Une forme est constituée d’un cadre en bois léger, par dessus lequel vient s’emboîter un autre cadre fin, « la couverte », qui donne la taille de la feuille.
Sur le cadre de la forme sont fixées dans la largeur des baguettes taillées en lame (« pontuseaux »), tenues par le centre par une tige métallique (« le fuseau »).



Par dessus repose la « toile » métallique qui sert de tamis à la pâte à papier. Dans le cas d’une toile vergée, il s’agit de fils en laiton disposés plus ou moins serrés parallèlement au long côté de la forme, les « vergeures », tenus de chaque côté par une baguette en laiton cloutée (lices ou « letous » -laiton en patois). Ces fils métalliques sont littéralement cousus avec un fil fin de laiton, cuivre ou bronze, formant chaînette, et appelé tout simplement « chaînette », sur les « pontuseaux ».


Le papier qui résulte de l’utilisation de ce type de forme possède un léger relief dû aux vergeures et aux chaînettes qui apparaissent en clair par transparence.
Quant au vélin, apparu à la fin du XVIIIe siècle, il est fabriqué avec une forme dont la toile n’est pas cousue fil à fil par le formaire, mais avec une toile métallique tissée, plus fine que la toile vergée, que le formaire applique sur le cadre. Le papier est lisse.

De tradition, un formaire suffit pour fabriquer et réparer les formes des moulins d’une vallée. Surtout à la fin du papier à la main, où certains moulins s’équipent à partir des années 1870 d’une machine à papier (moulin de Valeyre, les Faure à Nouara, à la Combe-Basse après 1882). Pour les vallées de Gourre et de Lagat, la famille Marcheval occupe une position centrale à Valeyre de Bas.
Le premier de la lignée, rencontré grâce aux listes de recensement consultables en ligne (je n’utilise pas ici d’autres archives), est Jacques Marcheval recensé à Valeyre de Bas en 1841 en tant que formaire. Dans ses recherches que Claude Péra partage avec générosité, il apparaît que le père de Jacques Marcheval n’est pas formaire, mais charpentier de moulin à papier. Joseph et Jean Marcheval, fils de Jacques, deviennent formaires à leur tour. Seul un des fils de Jacques, Jean, apprendra le métier, mais il sera aussi boulanger en 1886 et 1891, aubergiste en 1896. Il n’est mentionné comme formaire qu’en 1901, et devient papetier en 1906 (alors que, dans les informations fournies par Claude Péra, il est formaire à papier sur son acte de décès en novembre 1906, soit quelques mois après le recensement).

Les données du recensement, accessibles en ligne sur le site des Archives départementales, ne donnent pas d’information quant à d’éventuels autres fabricants de formes dans la famille. Nous sommes dans le même temps, je le disais à l’instant, à la fin de la papeterie à la main, la matière première, le chiffon, se faisant par ailleurs de plus en plus rare. Au tout début du XXe siècle ne subsistent plus que neuf papeteries sur le ruisseau de Valeyre, certaines fabriquant le papier grâce à une machine, et les papetiers étant le plus souvent aussi agriculteurs à la belle saison. Quant au papier pour imprimer ou écrire, voilà longtemps qu’il a laissé la place au papier-filtre, au papier d’emballage, au papier « brouillard » ou soie joseph destiné aux pharmaciens, ou encore au papier buvard teinté à la fuschine comme à Nouara (qui cesse son activité au tournant du siècle). Les formaires d’autres vallées ont-ils suffit ? De nos jours, ce métier a quasiment disparu en Europe.

chouff s/Henri Pourrat/Marcheval/Formaire/forme
en suite du « partage » opéré, j’ais tiré 4 portraits d’une forme certainement antérieure à 1800 ; sans en indiquer les cotes-récupérée en compagnie de paquets de 100 souches de billets de 1.000 francs, création du 14 septembre 1821-qui ne permettent pas cependant de faire un lien direct entre eux & la Banque de Nantes, car certainement une impression de la B D F
ENFIN, une explication sans faille des vergeures, des pontuseaux et de la chaînette. Clair, précis, parfaitement illustré. Merci pour votre méticulosité, et bravo.
Et bien tant mieux ! De souvenir, ça n’a pas été aussi simple, je me souviens avoir entre les mains une forme, puis une autre, et de l’autre côté les livres d’où j’ai tiré les informations, et avoir comparé les unes aux autres pour comprendre et en tirer un texte. Si ça a réussi, mon objectif est atteint !